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vide pas matériellement les poches, les voilà fort rassurés.

Mais n’y a-t-il pas la Propriété des bras, celle des facultés, celle des idées, n’y a-t-il pas, en un mot, la Propriété des services ? Quand je jette un service dans le milieu social, n’est-ce pas mon droit qu’il s’y tienne, si je puis m’exprimer ainsi, en suspension, selon les lois de sa naturelle équivalence ? qu’il y fasse équilibre à tout autre service qu’on consent à me céder en échange ? Nous avons, d’un commun accord, institué une force publique pour protéger la propriété ainsi comprise. Où en sommes-nous donc si cette force même croit avoir et se donne la mission de troubler cet équilibre, sous le prétexte socialiste que le monopole naît de la liberté, que le laissez-faire est odieux et sans entrailles ? Quand les choses vont ainsi, le vol individuel peut être rare, sévèrement réprimé, mais la spoliation est organisée, légalisée, systématisée. Réformateurs, rassurez-vous, votre œuvre n’est pas terminée ; tâchez seulement de la comprendre.


Mais, avant d’analyser la spoliation publique ou privée, légale ou illégale, son rôle dans le monde, sa portée comme élément du problème social, il faut nous faire, s’il est possible, des idées justes sur la communauté et la Propriété : car, ainsi que nous allons le voir, la spoliation n’est autre chose que la limite de la propriété, comme la propriété est la limite de la communauté.

Des chapitres précédents et notamment de celui où il a été traité de l’Utilité et de la Valeur, nous pouvons déduire cette formule :

Tout homme jouit gratuitement de toutes les utilités fournies ou élaborées par la nature, à la condition de prendre la peine de les recueillir ou de restituer un service équivalent à ceux qui lui rendent le service de prendre cette peine pour lui.