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que la somme totale des intérêts soit moins grande alors que les capitaux abondent que lorsqu’ils sont rares. J’admets bien que si le capital de l’humanité est représenté par 100 et l’intérêt par 5, — cet intérêt ne sera plus que 4 alors que le capital sera monté à 200. — Ici l’on voit la simultanéité des deux effets. Moindre part relative, plus grande part absolue. — Mais je n’admets pas, dans l’hypothèse, que l’élévation du capital de 100 à 200 puisse faire tomber l’intérêt de 5 p. 100 à 2 p. 100, par exemple. — Car, s’il en était ainsi, le capitaliste qui avait 5,000 francs de rentes avec 100,000 francs de capital, n’aurait plus que 4,000 francs de rentes avec 200,000 de capital. — Résultat contradictoire et impossible, anomalie étrange qui rencontrerait le plus simple et le plus agréable de tous les remèdes ; car alors, pour augmenter ses rentes, il suffirait de manger la moitié de son capital. Heureuse et bizarre époque où il nous sera donné de nous enrichir en nous appauvrissant !

Il ne faut donc pas perdre de vue que la combinaison de ces deux faits corrélatifs : accroissement du capital, abaissement de l’intérêt, s’accomplit nécessairement de telle façon que le produit total augmente sans cesse.

Et, pour le dire en passant, ceci détruit d’une manière radicale et absolue l’illusion de ceux qui s’imaginent que parce que l’intérêt baisse il tend à s’anéantir. Il en résulterait qu’un jour viendra où le capital se sera tellement développé qu’il ne donnera plus rien à ses possesseurs. Qu’on se tranquillise ; avant ce temps-là, ceux-ci se hâteront de dissiper le fonds pour faire reparaître le revenu.

Ainsi la grande loi du Capital et du Travail, en ce qui concerne le partage du produit de la collaboration, est déterminée. Chacun d’eux a une part absolue de plus en plus grande, mais la part proportionnelle du Capital diminue sans cesse comparativement à celle du Travail.

Cessez donc, capitalistes et ouvriers, de vous regarder