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chercherait à y substituer le plus possible de collaboration naturelle.

C’est pourquoi, s’il construisait un canot, il le ferait du bois le plus léger, afin de mettre à profit le poids de l’eau. Il s’efforcerait d’y adapter une voile, afin que le vent lui épargnât la peine de ramer, etc.

Pour faire concourir ainsi des puissances naturelles, il faut des instruments.

Ici, on sent que l’individu isolé aura un calcul à faire. Il se posera cette question : Maintenant j’obtiens une satisfaction avec un effort donné ; quand je serai en possession de l’instrument, obtiendrai-je la même satisfaction avec un effort moindre, en ajoutant à celui qui me restera à faire celui qu’exige la confection de l’instrument lui-même ?

Nul homme ne veut dissiper ses forces pour le plaisir de les dissiper. Notre Robinson ne se livrera donc à la confection de l’instrument qu’autant qu’il apercevra, au bout, une économie définitive d’efforts à satisfaction égale, ou un accroissement de satisfactions à efforts égaux.

Une circonstance qui influe beaucoup sur le calcul, c’est le nombre et la fréquence des produits auxquels devra concourir l’instrument pendant sa durée. Robinson a un premier terme de comparaison. C’est l’effort actuel, celui auquel il est assujetti chaque fois qu’il veut se procurer la satisfaction directement et sans nulle aide. Il estime ce que l’instrument lui épargnera d’efforts dans chacune de ces occasions ; mais il faut travailler pour faire l’instrument, et ce travail il le répartira, par la pensée, sur le nombre total des circonstances où il pourra s’en servir. Plus ce nombre sera grand, plus sera puissant aussi le motif déterminant à faire concourir l’agent naturel. — C’est là, c’est dans cette répartition d’une avance sur la totalité des produits, qu’est le principe et la raison d’être de l’Intérêt.

Une fois que Robinson est décidé à fabriquer l’instru-