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de quelque génie, partant d’un faux principe, n’échappera à l’inconséquence ; sans quoi il serait dans l’absurde progressif, et, loin d’être un homme de génie, il ne serait pas même un homme.

Comme Smith avait fait un pas en avant sur les Physiocrates, Say en fit un autre sur Smith. Peu à peu, il fut amené à reconnaître de la valeur aux services, mais seulement par analogie, par extension. C’est dans le produit qu’il voyait la valeur essentielle, et rien ne le prouve mieux que cette bizarre dénomination donnée aux services : « Produits immatériels, » deux mots qui hurlent de se trouver ensemble. Say est parti de Smith, et ce qui le prouve, c’est que toute la théorie du maître se retrouve dans les dix premières lignes qui ouvrent les travaux du disciple[1]. Mais il a médité et progressé pendant trente ans. Aussi il s’est approché de la vérité, sans jamais l’atteindre complétement.

Au reste, on aurait pu croire qu’il remplissait sa mission d’économiste, aussi bien en étendant la valeur du produit au service, qu’en la ramenant du service au produit, si la propagande socialiste, fondée sur ses propres déductions, ne fût venue révéler l’insuffisance et le danger de son principe.

M’étant donc posé cette question : Puisque certains produits ont de la valeur, puisque certains services ont de la valeur, et puisque la valeur identique à elle-même ne peut avoir qu’une origine, une raison d’être, une explication identique ; cette origine, cette explication est-elle dans le produit ou dans le service ?

Et, je le dis bien hautement, la réponse ne me paraît pas un instant douteuse, par la raison sans réplique que voici : C’est que tout produit qui a de la valeur implique un service, tandis que tout service ne suppose pas nécessairement un produit.

Ceci me paraît décisif, mathématique.

  1. Traité d’Écon. pol., p. 1.