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ché de me lancer et d’entraîner le lecteur dans d’oiseuses dissertations.

On ne peut pas douter que l’Utilité dont parle Say est celle qui est dans les choses. Si le blé, le bois, la houille, le drap ont de la valeur, c’est que ces produits ont des qualités qui les rendent propres à notre usage, à satisfaire le besoin que nous avons de nous nourrir, de nous chauffer, de nous vêtir.

Dès lors, comme la nature crée de l’Utilité, elle crée de la Valeur ; — funeste confusion dont les ennemis de la propriété se sont fait une arme terrible.

Voilà un produit, du blé, par exemple. Je l’achète à la halle pour seize francs. Une grande partie de ces seize francs se distribue, par des ramifications infinies, par une inextricable complication d’avances et de remboursements, entre tous les hommes qui, de près ou de loin, ont concouru à mettre ce blé à ma portée. Il y a quelque chose pour le laboureur, le semeur, le moissonneur, le batteur, le charretier, ainsi que pour le forgeron, le charron qui ont préparé les instruments. Jusqu’ici il n’y a rien à dire, que l’on soit économiste ou communiste.

Mais j’aperçois que quatre francs sur mes seize francs vont au propriétaire du sol, et j’ai bien le droit de demander si cet homme, comme tous les autres, m’a rendu un Service pour avoir, comme tous les autres, droit incontestable à une rémunération.

D’après la doctrine que cet écrit aspire à faire prévaloir, la réponse est catégorique. Elle consiste en un oui très-formel. Oui, le propriétaire m’a rendu un service. Quel est-il ? Le voici : Il a, par lui-même ou par son aïeul, défriché et clôturé le champ ; il l’a purgé de mauvaises herbes et d’eaux stagnantes ; il a donné plus d’épaisseur à la couche végétale ; il a bâti une maison, des étables, des écuries. Tout cela suppose un long travail qu’il a exécuté en per-