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concluons. Que voyons-nous ici ? Deux besoins, deux satisfactions qui ne se déplacent pas ; deux efforts qui sont l’objet d’une transaction volontaire, deux services qui s’échangent — et la valeur apparaît.

Maintenant on dit que l’utilité est le fondement de la valeur ; et comme l’utilité est inhérente à l’air, on induit l’esprit à penser qu’il en est de même de la valeur. Il y a là évidente confusion. L’air, par sa constitution, a des propriétés physiques en harmonie avec un de nos organes physiques, le poumon. Ce que j’en puise dans l’atmosphère pour en remplir la cloche à plongeur ne change pas de nature, c’est toujours de l’oxygène et de l’azote ; aucune nouvelle qualité physique ne s’y est combinée, aucun réactif n’en ferait sortir un élément nouveau appelé valeur. La vérité est que celle-ci naît exclusivement du service rendu.

Quand on pose cet axiome : L’Utilité est le fondement de la Valeur, si l’on entend dire : Le Service a de la Valeur parce qu’il est utile à celui qui le reçoit et le paye, je ne disputerai pas. C’est là un truisme dont le mot service tient suffisamment compte.

Mais ce qu’il ne faut pas confondre, c’est l’utilité de l’air avec l’utilité du service. Ce sont là deux utilités distinctes, d’un autre ordre, d’une autre nature, qui n’ont entre elles aucune proportion, aucun rapport nécessaire. Il y a des circonstances où je puis, avec un très-léger effort, en lui épargnant une peine insignifiante, en lui rendant par conséquent un très-mince service, mettre à la portée de quelqu’un une substance d’une très-grande utilité intrinsèque.

Chercherons-nous à savoir comment les deux contractants s’y prendront pour évaluer le service que l’un rend à l’autre en lui envoyant de l’air ? Il faut un point de comparaison, et il ne peut être que dans le service que le plongeur s’est engagé à rendre en retour. Leur exigence réci-