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ce n’est qu’elles ont exclu la Liberté. Il leur reste encore à c hercher, parmi les formes infinies de la Contrainte, quelle est la bonne, si tant est qu’une le soit. Et puis, pour dernière difficulté, il leur restera à faire accepter universellement par des hommes, par des agents libres, cette forme préférée de la Contrainte.

Mais, dans cette hypothèse, si les intérêts humains sont poussés par leur nature vers un choc fatal, si ce choc ne peut être évité que par l’invention contingente d’un ordre social artificiel, le sort de l’Humanité est bien chanceux, et l’on se demande avec effroi :

1° Se rencontrera-t-il un homme qui trouve une forme satisfaisante de la Contrainte ?

2° Cet homme ramènera-t-il à son idée les écoles innombrables qui auront conçu des formes différentes ?

3° L’Humanité se laissera-t-elle plier à cette forme, laquelle, selon l’hypothèse, contrariera tous les intérêts individuels ?

4° En admettant que l’Humanité se laisse affubler de ce vêtement, qu’arrivera-t-il, si un nouvel inventeur se présente avec un vêtement plus perfectionné ? Devra-t-elle persévérer dans une mauvaise organisation, la sachant mauvaise ; ou se résoudre à changer tous les matins d’organisation, selon les caprices de la mode et la fécondité des inventeurs ?

5° Tous les inventeurs, dont le plan aura été rejeté, ne s’uniront-ils pas contre le plan préféré, avec d’autant plus de chances de troubler la société que ce plan, par sa nature et son but, froisse tous les intérêts ?

6° Et, en définitive, y a-t-il une force humaine capable de vaincre un antagonisme qu’on suppose être l’essence même des forces humaines ?