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médiaire qu’on appelle Monnaie. Nous verrons ailleurs quelles difficultés, quelles erreurs sont nées de cette complication. Il nous suffit de faire remarquer ici que la présence de cette marchandise intermédiaire n’altère en rien la notion de valeur.

Une fois admis que l’échange est à la fois cause et effet de la séparation des occupations, une fois admis que la séparation des occupations multiplie les satisfactions proportionnellement aux efforts, par les motifs exposés au commencement de ce chapitre, le lecteur comprendra facilement les services que la Monnaie a rendus à l’humanité par ce seul fait qu’elle facilite les échanges. Grâce à la monnaie, l’échange a pu prendre un développement vraiment indéfini. Chacun jette dans la société ses services, sans savoir à qui ils procurent la satisfaction qui y est attachée. De même il retire de la société non des services immédiats, mais des écus avec lesquels il achètera en définitive des services, où, quand et comme il lui plaira. En sorte que les transactions définitives se font à travers le temps et l’espace, entre inconnus, sans que personne sache, au moins dans la plupart des circonstances, par l’effort de qui ses besoins seront satisfaits, aux désirs de qui ses propres efforts procureront satisfaction. L’Échange, par l’intermédiaire de la Monnaie, se résume en trocs innombrables dont les parties contractantes s’ignorent.

Cependant l’Échange est un si grand bienfait pour la société (et n’est-il pas la société elle-même ?) qu’elle ne s’est pas bornée, pour le faciliter, pour le multiplier, à l’introduction de la monnaie. Dans l’ordre logique, après le Besoin et la Satisfaction unis dans le même individu par l’effort isolé, — après le troc simple, — après le troc à deux facteurs, ou l’Échange composé de vente et achat, — apparaissent encore les transactions étendues dans le temps et l’espace par le moyen du crédit, titres hypothécaires, lettres de change,