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la vue, de nous faire perdre la conscience des phénomènes au milieu desquels nous sommes plongés. Il n’y a pas de mot plus profondément vrai que celui de Rousseau : « Il faut beaucoup de philosophie pour observer ce qu’on voit tous les jours. » Ce n’est donc pas une chose oiseuse que de rappeler aux hommes ce que, sans s’en apercevoir, ils doivent à l’échange.

Comment la faculté d’échanger a-t-elle élevé l’humanité à la hauteur où nous la voyons aujourd’hui ? Par son influence sur le travail, sur le concours des agents naturels, sur les facultés de l’homme et sur les capitaux.

Adam Smith a fort bien démontré cette influence sur le travail.

« L’accroissement, dans la quantité d’ouvrage que peut exécuter le même nombre d’hommes par suite de la division du travail, est dû à trois circonstances, dit ce célèbre économiste : 1° au degré d’habileté qu’acquiert chaque travailleur ; 2° à l’économie du temps, qui se perd naturellement à passer d’un genre d’occupation à un autre ; 3° à ce que chaque homme a plus de chances de découvrir des méthodes aisées et expéditives pour atteindre un objet, lorsque cet objet est le centre de son attention, que lorsqu’elle se dissipe sur une infinie variété de choses. »

Ceux qui, comme Adam Smith, voient dans le Travail la source unique de la richesse, se bornent à rechercher comment il se perfectionne en se divisant. Mais nous avons vu, dans le chapitre précédent, qu’il n’est pas le seul agent de nos satisfactions. Les forces naturelles concourent. Cela est incontestable.

Ainsi, en agriculture, l’action du soleil et de la pluie, les sucs cachés dans le sol, les gaz répandus dans l’atmosphère, sont certainement des agents qui coopèrent avec le travail humain à la production des végétaux.

L’industrie manufacturière doit des services analogues