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cette valeur descendra, mais ce qu’on peut affirmer c’est qu’elle ne descendra jamais à zéro, à moins que les bas ne finissent par se produire spontanément. Pourquoi ? Parce que le principe de la rémunération est dans le travail ; parce que celui qui travaille pour autrui rend un service et doit recevoir un service : si l’on ne payait plus les bas, on cesserait d’en faire et, avec la rareté, le prix ne manquerait pas de reparaître.

Le sophisme que je combats ici a sa racine dans la divisibilité à l’infini, qui s’applique à la valeur comme à la matière.

Il paraît d’abord paradoxal, mais il est bien su de tous les mathématiciens qu’on peut de minute en minute, pendant l’éternité entière, ôter des fractions à un poids, sans jamais parvenir à anéantir le poids lui-même. Il suffit que chaque fraction successive soit moindre que la précédente, dans une proportion déterminée et régulière.

Il est des pays où l’on s’attache à accroître la taille des chevaux ou à diminuer, dans la race ovine, le volume de la tête. Il est impossible de préciser jusqu’où on arrivera dans cette voie. Nul ne peut dire qu’il a vu le plus grand cheval ou la plus petite tête de mouton qui paraîtra jamais dans le monde. Mais l’on peut dire que la taille des chevaux n’atteindra jamais l’Infini, non plus que les têtes de moutons le Néant.

De même, nul ne peut dire jusqu’où descendra le prix des bas ou l’intérêt des capitaux, mais on peut affirmer, quand on connaît la nature des choses, que ni l’un ni l’autre n’arriveront jamais à zéro, car le travail et le capital ne peuvent pas plus vivre sans récompense que le mouton sans tête.

L’argumentation de M. Proudhon se réduit donc à ceci : Puisque les plus habiles agriculteurs sont ceux qui ont le plus réduit la tête des moutons, nous serons arrivés à la perfection agricole quand les moutons seront acéphales. Donc,