Page:Œuvres complètes de Frédéric Bastiat, Guillaumin, 5.djvu/508

Cette page a été validée par deux contributeurs.

peut dire que le chômage est coupable. Si un homme a le droit de dire à un autre : « Je ne veux pas travailler à telle ou telle condition, » deux ou trois mille hommes ont le même droit ; ils ont le droit de se retirer. C’est là un droit naturel, qui doit être aussi un droit légal.

Cependant on a besoin de jeter un vernis de culpabilité sur le chômage, et alors comment s’y prend-on ? On glisse entre parenthèse ces mots : « Comme vous ne nous donnez pas ce que nous vous demandons, nous allons nous retirer ; nous allons, par des influences qui sont bien connues et qui tiennent à l’identité d’industrie, à la camaraderie… »

Voilà donc le délit ; ce sont les influences bien connues, ce sont les violences, les intimidations ; c’est là qu’est le délit ; c’est là que vous devez frapper. Eh bien, c’est là que frappe l’amendement de l’honorable M. Morin. Comment lui refuseriez-vous vos suffrages ?

Mais on nous rapporte une autre suite de raisonnements et on dit ceci :

« La coalition porte les deux caractères qui peuvent la faire classer dans le nombre des délits ; la coalition est blâmable en elle et ensuite elle produit des conséquences funestes, funestes pour l’ouvrier, funestes pour le patron, funestes pour la société tout entière. »

D’abord, que la coalition soit blâmable, c’est précisément le point sur lequel on n’est pas d’accord, quod erat demonstrandum, c’est ce qu’il faut prouver ; elle est blâmable selon le but qu’elle se propose et surtout selon les moyens qu’elle emploie. Si la coalition se borne à la force d’inertie, à la passiveté, si les ouvriers se sont concertés, se sont entendus et qu’ils disent : Nous ne voulons pas vendre notre marchandise, qui est du travail, à tel prix, nous en voulons tel autre, et si vous refusez, nous allons rentrer dans nos foyers ou chercher de l’ouvrage ailleurs, — il me semble qu’il est impossible de dire que ce soit là une action blâmable.