Page:Œuvres complètes de Frédéric Bastiat, Guillaumin, 5.djvu/482

Cette page a été validée par deux contributeurs.

L’impôt des boissons a une autre conséquence très-grave que je n’ai pas entendu signaler à cette tribune.

L’impôt des boissons a jeté la perturbation dans ce grand phénomène économique que l’on appelle la division du travail. Autrefois on cultivait les vins dans les terres qui sont propres à cette culture, sur les coteaux, sur les graviers ; on cultivait le blé sur les plateaux, dans les plaines, sur les terrains d’alluvion. Au commencement, on avait imaginé l’inventaire ; mais ce mode de perception d’impôt souleva tous les propriétaires. Ils invoquèrent le droit de propriété ; et, comme ils étaient trois millions, ils furent écoutés. Alors on rejeta le fardeau sur les cabaretiers ; et, comme ils n’étaient que trois cent mille, il fut déclaré, en principe, que la propriété de 300,000 hommes n’était pas aussi bien une propriété que celle de trois millions d’hommes, quoique cependant la propriété n’ait, selon moi, qu’un seul principe.

Mais quel fut le résultat pour les propriétaires ? je crois que les propriétaires portent eux-mêmes le poids de la faute et de l’injustice qu’ils commirent alors. Comme ils avaient la faveur de consommer leurs produits sans payer de taxe, il arriva que, soit pour se soustraire à la taxe, soit pour se soustraire surtout et avant tout aux formalités et aux risques que cette perception fait courir, les propriétaires des plaines, des alluvions, voulurent tous avoir du vin chez eux pour leur consommation. Dans le département que je représente ici, ou du moins dans une grande partie de ce département, je puis affirmer qu’il n’y a pas une métairie où l’on ne plante assez de vignes pour la consommation de la famille : ces vignes produisent du vin très-mauvais, mais cela offre l’immense avantage d’être délivré de l’intervention des contributions indirectes et de tous les risques qui s’attachent à ses visites.

Ce fait explique, jusqu’à un certain point, l’accroissement