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qu’il n’a pas le droit de faire ; car un plan gouvernemental n’appartient pas au gouvernement, mais au public. C’est nous qu’il intéresse, puisque notre bien-être et notre sécurité en dépendent. Nous devons être gouvernés non selon la volonté cachée du ministère, mais selon sa volonté connue et approuvée. Au cabinet, l’exposition, la proposition, l’initiative ; à nous, le jugement ; à nous, l’acceptation ou le refus. Mais pour juger, il faut connaître. Celui qui monte sur le siège et s’empare des guides, déclare, par cela même, qu’il sait ou croit savoir le but qu’il faut atteindre et la route qu’il faut prendre. C’est bien le moins qu’il n’en fasse pas mystère aux voyageurs, quand ces voyageurs forment une grande nation tout entière.

Que s’il n’a pas de plan, qu’il juge lui-même ce qu’il a à faire. À toutes les époques, pour gouverner il faut une pensée ; mais cela est vrai, surtout aujourd’hui. Il est bien certain qu’on ne peut plus suivre les vieilles ornières, ces ornières qui déjà trois fois ont versé le char dans la boue. Le statu quo est impossible, la tradition insuffisante. Il faut des réformes ; et, quoique le mot soit malsonnant, je dirai : Il faut du nouveau ; non point du nouveau qui ébranle, renverse, effraie, mais du nouveau qui maintienne, consolide, rassure et rallie.

Donc, dans mon ardent désir de voir apparaître le vrai Budget républicain, découragé par le silence ministériel, je me suis rappelé le vieux proverbe : Veux-tu être bien servi, sers-toi toi-même ; et pour être sûr d’avoir un programme, j’en ai fait un. Je le livre au bon sens public.

Et d’abord, je dois dire dans quel esprit il est conçu.

J’aime la République, — et j’ajoute, pour faire ici un aveu dont quelques-uns pourront être surpris[1], — je

  1. Sur les opinions politiques de l’auteur, V. au tome Ier, ses écrits et professions de foi publiés à l’occasion des élections. (Note de l’éditeur.)