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ce qui finit par faire un corps de doctrine qu’on peut bien appeler la théorie de la disette ; et la force publique emploie le fer et le feu au triomphe de cette théorie.

Mais, sans parler des masses, ainsi soumises au régime de la privation universelle, il est aisé de voir à quelle mystification viennent se heurter les inventeurs de ce régime, et quel terrible châtiment attend leur rapacité sans scrupule.

Nous avons vu que, relativement à chaque produit spécial, la valeur avait deux éléments : 1o la rareté de ce qui lui est similaire ; 2o l’abondance de tout ce qui ne lui est pas similaire.

Or, qu’on veuille bien remarquer ceci : par cela même que la législature, esclave de l’égoïsme individuel, travaille à réaliser le premier de ces deux éléments de la valeur, elle détruit le second, sans pouvoir l’éviter, puisque c’est une seule et même chose. Elle a successivement satisfait les vœux de l’agriculteur, de l’éleveur, du maître de forges, du fabricant, du colon, en produisant artificiellement la rareté du blé, de la viande, du fer, du drap, du sucre, etc. ; mais cela qu’est-ce autre chose que détruire cette abondance générale, qui est la seconde condition de la valeur de chaque produit particulier ? Ainsi, après avoir soumis la communauté à des privations effectives, impliquées dans la disette, dans le but d’exhausser la valeur des produits, il se trouve qu’on n’a pas même réussi à atteindre cette ombre, à étreindre ce fantôme, à exhausser cette valeur nominale, parce que précisément ce que la rareté du produit spécial opère en sa faveur, dans ce sens, la rareté des autres produits le neutralise. Est-il donc si difficile de comprendre que le cordonnier dont nous parlions tout à l’heure, parvînt-il à détruire, par un seul acte de sa volonté, tous les souliers du monde, excepté ceux de sa façon, ne serait pas plus avancé, même au point de vue puéril de la valeur nominale, si du même coup tous les objets, contre lesquels les souliers s’é-