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nomie politique impliquent ce principe : « La disette vaut mieux que l’abondance. »

C’est ce qu’expriment ces locutions si populaires :

« La production surabonde. »

« Nous périssons de pléthore. »

« Tous les marchés sont engorgés et toutes les carrières encombrées. »

« La faculté de consommer ne peut plus suivre la faculté de produire. »

Voici un détracteur des machines. Il déplore que les miracles du génie de l’homme étendent indéfiniment sa puissance de produire. Que redoute-t-il ? L’abondance.

Voici un protectioniste. Il gémit de la libéralité de la nature envers d’autres climats. Il craint que la France n’y participe par l’échange et ne veut pas qu’elle soit libre, parce que, si elle l’était, elle ne manquerait pas d’attirer sur elle-même le fléau de l’invasion et de l’inondation… Que redoute-t-il ? L’abondance.

Voici un homme d’État. Il s’effraie de tous les moyens de satisfaction que le travail accumule dans le pays, et croyant apercevoir, dans les profondeurs de l’avenir, le fantôme d’un bien-être révolutionnaire et d’une égalité séditieuse, il imagine de lourds impôts, de vastes armées, des dissipations de produits sur une grande échelle, de grandes existences, une puissante aristocratie artificielle chargée de remédier, par son luxe et son faste, à l’insolent excès de fécondité de l’industrie humaine. Que redoute-t-il ? L’abondance.

Enfin, voici un logicien qui, dédaignant les voies tortueuses et allant droit au but, conseille de brûler périodiquement Paris, pour offrir au travail l’occasion et l’avantage de le reconstruire. Que redoute t-il ? L’abondance.

Comment de telles idées ont-elles pu se former, et, il faut bien le dire, prévaloir quelquefois, non point sans doute