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ne désemplit pas de fournisseurs qui se retirent toujours satisfaits. Ne dit-on pas que si l’or est rond, c’est pour qu’il roule ! »

Ariste a adopté un plan de vie bien différent. S’il n’est pas un égoïste, il est au moins un individualiste, car il raisonne ses dépenses, ne recherche que des jouissances modérées et raisonnables, songe à l’avenir de ses enfants, et, pour lâcher le mot, il économise.

Et il faut entendre ce que dit de lui le vulgaire !

« À quoi est bon ce mauvais riche, ce fesse-mathieu ? Sans doute, il y a quelque chose d’imposant et de touchant dans la simplicité de sa vie ; il est d’ailleurs humain, bienfaisant, généreux, mais il calcule. Il ne mange pas tous ses revenus. Son hôtel n’est pas sans cesse resplendissant et tourbillonnant. Quelle reconnaissance s’acquiert-il parmi les tapissiers, les carrossiers, les maquignons et les confiseurs ? »

Ces jugements, funestes à la morale, sont fondés sur ce qu’il y a une chose qui frappe les yeux : la dépense du prodigue ; et une autre qui s’y dérobe : la dépense égale et même supérieure de l’économe.

Mais les choses ont été si admirablement arrangées par le divin inventeur de l’ordre social, qu’en ceci, comme en tout, l’Économie politique et la Morale, loin de se heurter, concordent, et que la sagesse d’Ariste est, non-seulement plus digne, mais encore plus profitable que la folie de Mondor.

Et quand je dis plus profitable, je n’entends pas dire seulement profitable à Ariste, ou même à la société en général, mais plus profitable aux ouvriers actuels, à l’industrie du jour.

Pour le prouver, il suffit de mettre sous l’œil de l’esprit ces conséquences cachées des actions humaines que l’œil du corps ne voit pas.

Oui, la prodigalité de Mondor a des effets visibles à tous