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acheter une maison, ce n’est pas vingt mille francs qu’il doit, c’est la maison.

L’argent n’apparaît là que pour faciliter l’arrangement entre plusieurs parties.

Pierre peut n’être pas disposé à prêter sa charrue, et Jacques peut l’être à prêter son argent. Que fait alors Guillaume ? Il emprunte l’argent de Jacques et, avec cet argent, il achète la charrue de Pierre.

Mais, en fait, nul n’emprunte de l’argent pour l’argent lui-même. On emprunte l’argent pour arriver aux produits.

Or, dans aucun pays, il ne peut se transmettre d’une main à l’autre plus de produits qu’il n’y en a.

Quelle que soit la somme de numéraire et de papier qui circule, l’ensemble des emprunteurs ne peut recevoir plus de charrues, de maisons, d’outils, d’approvisionnements, de matières premières, que l’ensemble des prêteurs n’en peut fournir.

Car mettons-nous bien dans la tête que tout emprunteur suppose un prêteur, et que tout emprunt implique un prêt.

Cela posé, quel bien peuvent faire les institutions de crédit ? c’est de faciliter, entre les emprunteurs et les prêteurs, le moyen de se trouver et de s’entendre. Mais, ce qu’elles ne peuvent faire, c’est d’augmenter instantanément la masse des objets empruntés et prêtés.

Il le faudrait cependant pour que le but des Réformateurs fût atteint, puisqu’ils n’aspirent à rien moins qu’à mettre des charrues, des maisons, des outils, des approvisionnements, des matières premières entre les mains de tous ceux qui en désirent.

Et pour cela qu’imaginent-ils ?

Donner au prêt la garantie de l’État.

Approfondissons la matière, car il y a là quelque chose qu’on voit et quelque chose qu’on ne voit pas. Tâchons de voir les deux choses.