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se mêler de cette correspondance, puisque, dans un état donné de la fortune actuelle, il ne saurait stimuler, par l’impôt, les industries de luxe sans froisser les industries de nécessité, intervertissant ainsi la marche naturelle de la civilisation. On peut faire observer que ces déplacements artificiels des besoins, des goûts, du travail et de la population, placent les peuples dans une situation précaire et dangereuse, qui n’a plus de base solide.

Voilà quelques-unes des raisons qu’allèguent les adversaires de l’intervention de l’État, en ce qui concerne l’ordre dans lequel les citoyens croient devoir satisfaire leurs besoins et leurs désirs, et par conséquent diriger leur activité. Je suis de ceux, je l’avoue, qui pensent que le choix, l’impulsion doit venir d’en bas, non d’en haut, des citoyens, non du législateur ; et la doctrine contraire me semble conduire à l’anéantissement de la liberté et de la dignité humaine.

Mais, par une déduction aussi fausse qu’injuste, sait-on de quoi on accuse les économistes ? c’est, quand nous repoussons la subvention, de repousser la chose même qu’il s’agit de subventionner, et d’être les ennemis de tous les genres d’activité, parce que nous voulons que ces activités, d’une part soient libres, et de l’autre cherchent en elles-mêmes leur propre récompense. Ainsi, demandons-nous que l’État n’intervienne pas, par l’impôt, dans les matières religieuses ? nous sommes des athées. Demandons-nous que l’État n’intervienne pas, par l’impôt, dans l’éducation ? nous haïssons les lumières. Disons-nous que l’État ne doit pas donner, par l’impôt, une valeur factice au sol, à tel ordre d’industrie ? nous sommes les ennemis de la propriété et du travail. Pensons-nous que l’État ne doit pas subventionner les artistes ? nous sommes des barbares qui jugeons les arts inutiles.

Je proteste ici de toutes mes forces contre ces déductions.