Page:Œuvres complètes de Frédéric Bastiat, Guillaumin, 5.djvu/358

Cette page a été validée par deux contributeurs.

dramatique, sans le Théâtre-Français ; la peinture et la sculpture, sans nos collections et nos musées. On peut aller plus loin et se demander si, sans la centralisation et par conséquent la subvention des beaux-arts, ce goût exquis se serait développé, qui est le noble apanage du travail français et impose ses produits à l’univers entier. En présence de tels résultats, ne serait-ce pas une haute imprudence que de renoncer à cette modique cotisation de tous les citoyens qui, en définitive, réalise, au milieu de l’Europe, leur supériorité et leur gloire ?

À ces raisons et bien d’autres, dont je ne conteste pas la force, on peut en opposer de non moins puissantes. Il y a d’abord, pourrait-on dire, une question de justice distributive. Le droit du législateur va-t-il jusqu’à ébrécher le salaire de l’artisan pour constituer un supplément de profits à l’artiste ? M. Lamartine disait : Si vous supprimez la subvention d’un théâtre, où vous arrêterez-vous dans cette voie, et ne serez-vous pas logiquement entraînés à supprimer vos Facultés, vos Musées, vos Instituts, vos Bibliothèques ? On pourrait répondre : Si vous voulez subventionner tout ce qui est bon et utile, où vous arrêterez-vous dans cette voie, et ne serez-vous pas entraînés logiquement à constituer une liste civile à l’agriculture, à l’industrie, au commerce, à la bienfaisance, à l’instruction ? Ensuite, est-il certain que les subventions favorisent le progrès de l’art ? C’est une question qui est loin d’être résolue, et nous voyons de nos yeux que les théâtres qui prospèrent sont ceux qui vivent de leur propre vie. Enfin, s’élevant à des considérations plus hautes, on peut faire observer que les besoins et les désirs naissent les uns des autres et s’élèvent dans des régions de plus en plus épurées[1], à mesure que la richesse publique permet de les satisfaire ; que le gouvernement n’a point à

  1. V. le chap. iii du tome VI.(Note de l’éditeur.)