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que vous l’êtes beaucoup aussi. Mettez-vous tous les matins dans l’esprit que votre fortune a doublé pendant la nuit. Levez-vous ensuite, et si vous avez des créanciers, allez les payer avec ce que vous aurez imaginé, et dites-leur d’imaginer à leur tour[1]. »

Mais je laisse là M. Proudhon, et, en terminant cette polémique, je m’adresse aux socialistes, et les adjure d’examiner impartialement, non au point de vue des capitalistes, mais dans l’intérêt des travailleurs, les questions suivantes :

La rémunération légitime d’un homme doit-elle être identique, soit qu’il consacre à la production sa journée actuelle, soit qu’il y consacre, en outre, des instruments, fruits d’un travail antérieur ?

Personne n’osera le soutenir. Il y a là deux éléments de rémunération, et qui peut s’en plaindre ? Sera-ce l’acheteur du produit ? Mais qui n’aime mieux payer 3 fr. par jour à un menuisier pourvu d’une scie, que 2 f. 50 c. au même menuisier, faisant des planches avec ses dix doigts ?

Ici les deux éléments de travail et de rémunération sont dans les mêmes mains. Mais s’ils sont séparés et s’associent, n’est-il pas juste, utile, inévitable que le produit se partage entre eux selon certaines proportions ?

Quand c’est le capitaliste qui fait l’entreprise à ses risques, la rémunération du travail se fixe souvent et se nomme salaire. Quand le travailleur entreprend et court les chances, c’est la rémunération du capital qui se fixe, et elle se nomme intérêt[2].

On peut croire à des arrangements plus perfectionnés, à une association de risques et de récompenses plus étroite.

  1. CXLIIe lettre persane.
  2. Voir le chap. Salaires. — Harmonies écon., tome VI. (Note de l’éditeur.)