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rité, dit-il, comme elle a fait jusqu’à présent. Cela ne me regarde pas. »

Cela ne vous regarde pas ! quoi ! vous imaginez une banque nouvelle qui doit réaliser le crédit gratuit pour tout le monde, et quand je vous demande si elle prêtera à tout le monde, vous me répondez, pour échapper à la conclusion dont je vous menace, cela ne me regarde pas !

Mais tout en disant que cela ne vous regarde pas, vous ajoutez « que la nouvelle banque fera son métier avec prudence et sévérité. » Cela ne signifie rien, ou cela veut dire qu’elle prêtera à ceux qui peuvent répondre du remboursement.

Mais alors que devient l’Égalité qui est votre idole ? et ne voyez-vous pas qu’au lieu de rendre les hommes égaux devant le crédit, vous constituez une inégalité plus choquante que celle que vous prétendez détruire ?

En effet, dans votre système, les riches emprunteront gratis, et les pauvres ne pourront emprunter à aucun prix.

Quand un riche se présentera à la banque, on lui dira : Vous êtes solvable, voilà des capitaux, nous vous les prêtons pour rien.

Mais qu’un ouvrier ose se montrer. On lui dira : Où sont vos garanties, vos terres, vos maisons, vos marchandises ? — Je n’ai que mes bras et ma probité. — Cela ne nous rassure pas, nous devons agir avec prudence et sévérité, nous ne pouvons vous prêter gratis. — Eh bien : prêtez-nous, à mes compagnons et à moi, aux taux de 4, 5 et 6 pour cent, ce sera une prime d’assurance dont le produit couvrira vos risques. — Y pensez-vous ? notre loi est de prêter gratis ou de ne prêter pas du tout. Nous sommes trop bons philanthropes pour rien faire payer à qui que ce soit, pas plus au pauvre qu’au riche. Voilà pourquoi le riche obtient chez nous du crédit gratuit, et pourquoi vous n’en aurez ni en payant ni sans payer.