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arriver à une approximation. Car, ne l’oublions pas, la loi secrète de l’échange, la règle absolue des transactions, loi non écrite mais intuitive, règle non de convention mais de nature, c’est de conformer, le plus possible, les actes de la vie privée aux formules de la vie sociale.

Or, et c’est ce qui fait naître mes doutes, cette définition, si profonde et si nette, du capital, que vous trouvez bon d’accepter ; cette identité du capital et du produit, du crédit et de l’échange, tout cela, Monsieur, est la négation de votre théorie de l’intérêt ; et certes, vous ne vous en doutiez pas ? Dès lors, en effet, que la formule de J. B. Say, les produits s’échangent contre les produits, est synonyme de cette autre, les capitaux s’échangent contre les capitaux ; que la définition du capital, par vous acceptée, n’est autre chose que cette synonymie ; que tout concourt, dans la société, à rendre les faits de commerce de plus en plus conformes à cette loi ; il est évident, à priori, qu’un jour doit venir où les relations de prêt, loyer, fermage, intérêt, et autres analogues, seront abolies et converties en rapports d’échange ; et qu’ainsi la prestation des capitaux, devenant simplement échange de capitaux, et toutes les affaires se réglant au comptant, l’intérêt devra disparaître. L’idée d’usure, dans cette définition du capital, implique contradiction.

C’est ce que vous eussiez infailliblement compris, si, tout en adoptant ma définition du capital, vous lui aviez accordé une seule minute de réflexion. Mais croire que vous allez réfléchir sur vos propres notions ; s’imaginer qu’après avoir admis un principe, vous en adopterez les conséquences, le mouvement et les lois ; c’est, j’en ai fait la triste expérience, se tromper étrangement. Raisonner, pour vous, c’est contredire à tort et à travers, sans suite et sans méthode. La notion glisse sur votre esprit sans le pénétrer. Vous prenez le mot, que vous appliquez ensuite à votre