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Mais quand, pour atteindre la légitime rémunération du capital, vous frappez les illégitimes extorsions du privilége, cet artifice ne renferme-t-il pas l’aveu que vous êtes impuissant contre les droits du Capital exercés sous l’empire de la liberté ?

L’émission d’une chose que le public recherche, — à savoir, les Bons au porteur, — est interdite à tous les Français, hors un. Ce privilége met celui qui en est investi en situation de faire de gros profits. Quel rapport cela a-t-il avec la question de savoir si le capital a droit de recevoir une récompense librement consentie ?

Remarquez ceci : le capital, qui, comme vous dites, ne se distingue pas du produit, représente du travail, tellement que, depuis le début de cette discussion, vous ne portez jamais un coup à l’un qui ne retombe sur l’autre ; c’est ce que je vous ai montré, dans ma dernière lettre, à propos de deux apologues : Pour prouver qu’il est des cas où on est tenu, en conscience, de prêter gratis, vous supposez un riche capitaliste en face d’un pauvre naufragé. — Et vous-même, un instant avant, vous aviez placé un ouvrier en présence d’un capitaliste près d’être englouti dans les flots. Que s’ensuit-il ? qu’il est des circonstances où le capital, comme le travail, doivent se donner. Mais on n’en peut pas plus conclure à la gratuité normale de l’un, qu’à la gratuité normale de l’autre.

Maintenant, vous me parlez des méfaits du capital, et me citez en exemple un capital privilégié. Je vous répondrai, en vous citant du travail privilégié.

Je suppose qu’un réformateur, plus radical que vous, se lève au milieu du peuple et lui dise : « Le travail doit être gratuit, le salaire est un vol. Mutuum date, nil indè sperantes. Et, pour vous prouver que les produits du travail sont illégitimes, je vous signale cet agent de change qui exploite le privilége exclusif de faire des courtages, ce boucher qui a