Page:Œuvres complètes de Frédéric Bastiat, Guillaumin, 5.djvu/207

Cette page a été validée par deux contributeurs.

peine de jouer une puérile comédie. Eh bien ! sans parler d’une multitude de sentences de l’ancien Testament, qui ne peuvent, sans danger, être prises au pied de la lettre, il y a, dans l’Évangile, d’autres textes que le fameux mutuum date, dont ils veulent déduire la gratuité du crédit, entre autres ceux-ci :

« Heureux ceux qui pleurent.

« Heureux ceux qui souffrent.

« Il y aura toujours des pauvres parmi vous.

« Rendez à César ce qui appartient à César.

« Obéissez aux puissances.

« Ne vous préoccupez pas du lendemain.

« Faites comme le lis, qui ne file ni ne tisse.

« Faites comme l’oiseau, qui ne laboure ni ne sème.

« Si on vous frappe sur la joue gauche, tendez encore la joue droite.

« Si on vous vole votre manteau, donnez encore votre robe. »

Que diraient messieurs les socialistes, si nous fondions sur un de ces textes la politique et l’économie sociale ?

Il est permis de croire que lorsque le fondateur du christianisme a dit à ses disciples : Mutuum date, il a entendu leur donner un conseil de charité et non faire un cours d’économie politique. Jésus était charpentier, il travaillait pour vivre. Dès lors, il ne pouvait faire du don une prescription absolue. Je crois pouvoir ajouter, sans irrévérence, qu’il se faisait payer très-légitimement, non-seulement pour le travail consacré à faire des planches, mais aussi pour le travail consacré à faire des scies et des rabots, c’est-à-dire pour le capital.

Enfin, je ne dois pas laisser passer les deux apologues par lesquels vous terminez votre lettre, sans vous faire observer que, loin d’infirmer ma doctrine, ils condamnent la vôtre ; car on n’en peut déduire la gratuité du crédit qu’à la condition d’en déduire aussi la gratuité du travail. Votre second