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HUITIÈME LETTRE.


F. BASTIAT À P. J. PROUDHON.


La preuve de l’impossibilité dispense d’examiner la possibilité. — Protestation contre le fatalisme. — Vérités immuables. — Jugement sur les pérégrinations à travers les champs de l’histoire. — Apologues retournés contre leur auteur. — Lois des capitaux résumés en cinq propositions.


24 décembre 1849.

La gratuité du crédit est-elle possible ?

La gratuité du crédit est-elle impossible ?

Il est clair que, résoudre une de ces questions, c’est résoudre l’autre.

Vous me reprochez de manquer à la charité parce que je maintiens le débat sur la seconde.

Voici mon motif :

Rechercher si la gratuité du crédit est possible, c’eût été me laisser entraîner à discuter la Banque du Peuple, l’impôt sur le capital, les ateliers nationaux, l’organisation du travail, en un mot, les mille moyens par lesquels chaque école prétend réaliser cette gratuité. Tandis que, pour s’assurer qu’elle est impossible, il suffisait d’analyser la nature intime du capital ; ce qui atteint mon but, et, à ce qu’il me semble, le vôtre.

On pose à Galilée cinquante arguments contre la rotation de la terre. Faut-il qu’il les réfute tous ? Non ; il prouve qu’elle tourne, et tout est dit : E pur si muove.

Comme novateur, dites-vous, j’ai droit à l’examen. — Sans doute ; mais, avant tout, la société, comme défenderesse, a droit qu’on lui prouve son tort. Vous traduisez le capital et l’intérêt au tribunal de l’opinion, les accusant d’injustice, de spoliation. À vous à prouver leur culpabilité ;