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Le premier, — car je tiens à le justifier, même à vos yeux, — obligé par le préjugé monétaire, ne peut se dessaisir gratuitement de son capital en faveur de l’ouvrier. Non que ce dessaisissement lui cause une privation, puisque, dans ses mains, le capital est stérile ; non qu’il coure risque de le perdre, puisque, par les précautions de l’hypothèque, il est assuré du remboursement ; non que cette prestation lui coûte la moindre peine, à moins que vous ne considériez comme peine le compte des écus et la vérification du gage ; mais c’est qu’en se dessaisissant, pour un temps quelconque, de son argent, de cet argent qui, par sa prérogative, est, comme on l’a si justement dit, du pouvoir, le capitaliste diminue sa puissance et sa sécurité.

Ce serait toute autre chose, si l’or et l’argent n’étaient qu’une marchandise ordinaire, si l’on ne tenait pas plus à la possession des écus qu’à du blé, du vin, de l’huile ou du cuir ; si la simple faculté de travailler donnait à l’homme la même sécurité que la possession de l’argent. Sous ce monopole de la circulation et de l’échange, l’usure devient, pour le capitaliste, une nécessité. Son intention, devant la justice, n’est point incriminable : dès que son argent est sorti de son coffre, il n’est plus en sûreté.

Or, cette nécessité qui, par le fait d’un préjugé involontaire et universellement répandu, incombe au capitaliste, constitue pour le travailleur la plus indigne spoliation, comme la plus odieuse des tyrannies, la tyrannie de la force.

Quelles sont, en effet, pour la classe travailleuse, pour cette partie vivante, productrice, morale, des sociétés, les conséquences théoriques et pratiques du prêt à intérêt et de son analogie, le fermage ? Je me borne, pour aujourd’hui, à vous en énumérer quelques-unes, sur lesquelles j’appelle votre attention, et qui pourront, si vous y tenez, devenir l’objet ultérieur de notre débat.