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ne s’est pas développé perpétuellement et universellement par le roulage, la bête de somme, la navigation à voiles ou à rames ? Que nous importent donc et la vapeur, et la pression atmosphérique, et l’électricité ? Prouver la réalité et la légitimité de la voiture à quatre roues, n’est-ce pas prouver que l’invention des chemins de fer est une chimère ?

Voilà, Monsieur, où vous conduit votre argumentation. Votre dernière lettre n’a, comme les précédentes, et du commencement à la fin, pas d’autre sens. Pour conserver au capital l’intérêt que je lui refuse, vous me répondez par la question préalable, vous opposez à mon idée novatrice votre routine ; vous protestez contre le rail et la machine à vapeur. Je serais désolé de vous dire rien de blessant ; mais, en vérité, Monsieur, il me semble que j’aurais le droit, dès ce moment, de briser là et de vous tourner le dos.

Je ne le ferai point : je veux vous donner satisfaction jusqu’à la fin, en vous montrant comment, pour me servir de vos paroles, la rémunération du capital passe de la légitimé à l’illégitimité, et comment la gratuité du crédit est la conclusion finale de la pratique de l’intérêt. Cette discussion, par elle-même, ne manque pas d’importance ; je m’efforcerai surtout de la rendre pacifique.

Ce qui fait que l’intérêt du capital, excusable, juste même, au point de départ de l’économie des sociétés, devient, avec le développement des institutions industrielles, une vraie spoliation, un vol, c’est que cet intérêt n’a pas d’autre principe, d’autre raison d’être, que la nécessité et la force. La nécessité, voilà ce qui explique l’exigence du prêteur ; la force, voilà ce qui fait la résignation de l’emprunteur. Mais, à mesure que, dans les relations humaines, la nécessité fait place à la liberté, et qu’à la force succède le droit, le capitaliste perd son excuse, et la revendication s’ouvre pour le travailleur contre le propriétaire.

Au commencement, la terre est indivise ; chaque famille