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Il ne suffit peut-être pas de démontrer la légitimité de l’intérêt aux hommes qui n’ont pas de capitaux. Ils seraient sans doute tentés de dire : puisque l’intérêt est légitime, il faut bien que nous le subissions ; mais c’est un grand malheur, car sans cela nous obtiendrions toutes choses à meilleur marché.

Ce grief est complétement erroné ; ce qui fait que les jouissances humaines se rapprochent de plus en plus de la gratuité et de la communauté, c’est l’intervention du capital. Le capital c’est la puissance démocratique, philanthropique et égalitaire par excellence. Aussi, celui qui en fera comprendre l’action rendra le plus signalé service à la société, car il fera cesser cet antagonisme de classes qui n’est fondé que sur une erreur.

Il m’est de toute impossibilité de faire entrer dans un article de journal la théorie des capitaux[1]. Je dois me borner à indiquer ma pensée par un exemple, une anecdote, une hypothèse qui est l’image de toutes les transactions humaines.

Plaçons-nous au point de départ de l’humanité, à cette époque où nous pouvons supposer qu’il n’existait aucun capital. Quelle était alors la valeur, mesurée au travail, d’un objet quelconque, d’une paire de bas, d’un sac de blé, d’un meuble, d’un livre, etc. ; en d’autres termes, au prix de quel travail ces objets auraient-ils été achetés ? Je ne crains pas de dire que la réponse est contenue dans ce mot : l’Infini. De tels objets étaient alors tout à fait inaccessibles à l’humanité.

Qu’il s’agisse d’une paire de bas de coton. Aucun homme ne serait parvenu à la produire avec cent ni avec mille journées de travail.

D’où vient qu’aujourd’hui, en France, il n’y a pas un

  1. Voy., sur la Théorie du capital, le chap vii du tome VI. (Note de l’éditeur.)