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fusion. Ils ont dit au peuple : « Prends un écu, mets-le sous verre ; oublie-le là pendant un an ; va regarder ensuite, et tu te convaincras qu’il n’a engendré ni dix sous ni cinq sous, ni aucune fraction de sou. Donc l’argent ne produit pas d’intérêts. » Puis, substituant au mot argent son prétendu synonyme, capital, ils ont fait subir à leur ergo cette modification : « Donc le capital ne produit pas d’intérêts[1]. » Ensuite est venue la série des conséquences : « Donc celui qui prête un capital n’en doit rien retirer ; donc celui qui te prête un capital, s’il en retire quelque chose, te vole ; donc tous les capitalistes sont des voleurs ; donc les richesses, devant servir gratuitement à ceux qui les empruntent, appartiennent en réalité à ceux à qui elles n’appartiennent pas ; donc il n’y a pas de propriété ; donc, tout est à tous ; donc…. »

— Ceci est grave, d’autant plus grave que le syllogisme, je vous l’avoue, me semble admirablement enchaîné. Je voudrais bien éclaircir la question. Mais, hélas ! je ne suis plus maître de mon attention. Je sens dans ma tête un bourdonnement confus des mots numéraire, argent, services, capital, intérêts ; c’est au point que, vraiment, je ne m’y reconnais plus. Remettons, s’il vous plaît, l’entretien à un autre jour.

— En attendant, voici un petit volume intitulé Capital et Rente. Il dissipera peut-être quelques-uns de vos doutes. Jetez-y un coup d’œil quand vous vous ennuierez.

— Pour me désennuyer ?

— Qui sait ! Un clou chasse l’autre ; un ennui chasse un autre ennui ; similia similibus…

— Je ne décide pas si vous voyez sous leur vrai jour les fonctions du numéraire et l’économie politique en géné-

  1. Voy. l’introduction de Capital et Rente, page 25. (Note de l’éditeur.)