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Or, un négociant de mes amis, ayant fait deux opérations dont les résultats ont été fort différents, j’ai été curieux de comparer à ce sujet la comptabilité du comptoir à celle de la douane, interprétée par M. Lestiboudois avec la sanction de nos six cents législateurs.

M. T… expédia du Havre un bâtiment pour les États-Unis, chargé de marchandises françaises, et principalement de celles qu’on nomme articles de Paris, montant à 200,000 fr. Ce fut le chiffre déclaré en douane. Arrivée à la Nouvelle-Orléans, il se trouva que la cargaison avait fait 10 % de frais et acquitté 30 % de droits, ce qui la faisait ressortir à 280,000 fr. Elle fut vendue avec 20 % de bénéfice, soit 40,000 fr., et produisit au total 320,000 fr., que le consignataire convertit en coton. Ces cotons eurent encore à supporter, pour le transport, assurances, commission, etc., 10 % de frais : en sorte qu’au moment où elle entra au Havre, la nouvelle cargaison, revenait à 352,000 fr., et ce fut le chiffre consigné dans les états de la douane. Enfin, M. T… réalisa encore, sur ce retour, 20 % de profit, soit 70,400 fr. ; en d’autres termes, les cotons se vendirent 422,400 fr.

Si M. Lestiboudois l’exige, je lui enverrai un extrait des livres de M. T… Il y verra figurer au crédit du compte de profits et pertes, c’est-à-dire comme bénéfices, deux articles, l’un de 40,000, l’autre de 70,400 fr., et M. T… est bien persuadé qu’à cet égard sa comptabilité ne le trompe pas.

Cependant, que disent à M. Lestiboudois les chiffres que la douane a recueillis sur cette opération ? Ils lui apprennent que la France a exporté 200,000 fr. et qu’elle a importé 352,000 fr. ; d’où l’honorable député conclut « qu’elle a dépensé et dissipé les profits de ses économies antérieures, qu’elle s’est appauvrie, qu’elle a marché vers sa ruine, qu’elle a donné à l’étranger 152,000 fr. de son capital. »

Quelque temps après, M. T… expédia un autre navire