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Beaux exemples, sublimes préceptes, précieuses semences à déposer dans l’âme de la jeunesse française !

Que dire de la morale romaine ? Et je ne parle pas ici des rapports de père à fils, d’époux à épouse, de patron à client, de maître à serviteur, d’homme à Dieu, rapports que l’esclavage, à lui tout seul, ne pouvait manquer de transformer en un tissu de turpitudes ; je veux ne m’arrêter qu’à ce qu’on nomme le beau côté de la république, le patriotisme. Qu’est-ce que ce patriotisme ? la haine de l’étranger. Détruire toute civilisation, étouffer tout progrès, promener sur le monde la torche et l’épée, enchaîner des femmes, des enfants, des vieillards aux chars de triomphe, c’était là la gloire, c’était là la vertu. C’est à ces atrocités qu’étaient réservés le marbre des statuaires et le chant des poëtes. Combien de fois nos jeunes cœurs n’ont-ils pas palpité d’admiration, hélas ! et d’émulation à ce spectacle ! C’est ainsi que nos professeurs, prêtres vénérables, pleins de jours et de charité, nous préparaient à la vie chrétienne et civilisée, tant est grande la puissance du conventionalisme !

La leçon n’a pas été perdue ; et c’est de Rome sans doute que nous vient cette sentence vraie du vol, fausse du travail : Un peuple perd ce qu’un autre gagne, sentence qui gouverne encore le monde.

Pour nous faire une idée de la morale romaine, imaginons, au milieu de Paris, une association d’hommes haïssant le travail, décidés à se procurer des jouissances par la ruse et la force, par conséquent en guerre avec la société.

Il ne faut pas douter qu’il ne se formât bientôt au sein de cette association une certaine morale et même de fortes vertus. Courage, persévérance, dissimulation, prudence, discipline, constance dans le malheur, secret profond, point d’honneur, dévouement à la communauté, telles seront sans doute les vertus que la nécessité et l’opinion développeraient parmi ces brigands ; telles furent celles des flibus-