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Or, n’est-il pas évident que, si je puis produire une orange, ou, ce qui revient au même, de quoi l’acheter, avec un dixième de journée de travail, je suis placé, relativement à cette production, exactement dans les mêmes conditions que le producteur portugais lui-même, sauf le transport, qui doit être à ma charge ? Il est donc certain que la liberté égalise les conditions de production directe ou indirecte, autant qu’elles peuvent être égalisées, puisqu’elle ne laisse plus subsister qu’une différence inévitable, celle du transport.

J’ajoute que la liberté égalise aussi les conditions de jouissance, de satisfaction, de consommation, ce dont on ne s’occupe jamais, et ce qui est pourtant l’essentiel, puisqu’en définitive la consommation est le but final de tous nos efforts industriels. Grâce à l’échange libre, nous jouirions du soleil portugais comme le Portugal lui-même ; les habitants du Havre auraient à leur portée, tout aussi bien que ceux de Londres, et aux mêmes conditions, les avantages que la nature a conférés à Newcastle sous le rapport minéralogique.


V. Messieurs les protectionistes, vous me trouvez en humeur paradoxale : eh bien ! je veux aller plus loin encore. Je dis, et je le pense très-sincèrement, que, si deux pays se trouvent placés dans des conditions de production inégales, c’est celui des deux qui est le moins favorisé de la nature qui a le plus à gagner à la liberté des échanges. — Pour le prouver, je devrai m’écarter un peu de la forme qui convient à cet écrit. Je le ferai néanmoins, d’abord parce que toute la question est là, ensuite parce que cela me fournira l’occasion d’exposer une loi économique de la plus haute importance, et qui, bien comprise, me semble destinée à ramener à la science toutes ces sectes qui, de nos jours, cherchent dans le pays des chimères cette harmonie sociale qu’elles n’ont pu découvrir dans la nature. Je veux parler de la loi de la consommation, que l’on pourrait peut-être reprocher à