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c’est la différence dans la valeur des terres qui compense la différence de leur fertilité. — Votre champ produit trois fois plus que le mien. Oui ; mais il vous a coûté dix fois davantage et je puis encore lutter avec vous. — Voilà tout le mystère. — Et remarquez que la supériorité, sous quelques rapports, amène l’infériorité à d’autres égards. — C’est précisément parce que votre sol est plus fécond qu’il est plus cher, en sorte que ce n’est pas accidentellement, mais nécessairement que l’équilibre s’établit ou tend à s’établir : et peut-on nier que la liberté ne soit le régime qui favorise le plus cette tendance ?

J’ai cité une branche d’agriculture ; j’aurais pu aussi bien citer une branche d’industrie. Il y a des tailleurs à Quimper, et cela n’empêche pas qu’il n’y en ait à Paris, quoique ceux-ci paient bien autrement cher leur loyer, leur ameublement, leurs ouvriers et leur nourriture. Mais aussi ils ont une bien autre clientèle, et cela suffit non-seulement pour rétablir la balance, mais encore pour la faire pencher de leur côté.

Lors donc qu’on parle d’égaliser les conditions du travail, il faudrait au moins examiner si la liberté ne fait pas ce qu’on demande à l’arbitraire.

Ce nivellement naturel des phénomènes économiques est si important dans la question, et, en même temps, si propre à nous faire admirer la sagesse providentielle qui préside au gouvernement égalitaire de la société, que je demande la permission de m’y arrêter un instant.

Messieurs les protectionistes, vous dites : Tel peuple a sur nous l’avantage du bon marché de la houille, du fer, des machines, des capitaux ; nous ne pouvons lutter avec lui.

Cette proposition sera examinée sous d’autres aspects. Quant à présent, je me renferme dans la question, qui est de savoir si, quand une supériorité et une infériorité sont