Paul. Dès demain, je réclame protection ; je décide la commune à prohiber le beurre de Normandie et de Bretagne. Il faudra bien que le peuple s’en passe, ou qu’il achète le mien, et à mon prix encore.
Jean. Par la sambleu, Messieurs, votre philanthropie m’entraîne.
- On apprend à hurler, dit l’autre, avec les loups.
Mon parti est pris. Il ne sera pas dit que je suis Échevin indigne. Pierre, ce feu pétillant a enflammé votre âme ; Paul, ce beurre a donné du jeu aux ressorts de votre esprit ; eh bien ! je sens aussi que cette pièce de salaison stimule mon intelligence. Demain, je vote et fais voter l’exclusion des porcs, morts ou vifs ; cela fait, je construis de superbes loges en plein Paris,
- Pour l’animal immonde aux Hébreux défendu.
Je me fais porcher et charcutier. Voyons comment le bon peuple lutécien évitera de venir s’approvisionner à ma boutique.
Pierre. Eh, Messieurs, doucement, si vous renchérissez ainsi le beurre et le salé, vous rognez d’avance le profit que j’attendais de mon bois.
Paul. Dame ! ma spéculation n’est plus aussi merveilleuse, si vous me rançonnez avec vos bûches et vos jambons.
Jean. Et moi, que gagnerai-je à vous faire surpayer mes saucisses, si vous me faites surpayer les tartines et les falourdes ?
Pierre. Eh bien ! voilà-t-il que nous allons nous quereller ? Unissons-nous plutôt. Faisons-nous des concessions réciproques. D’ailleurs, il n’est pas bon de n’écouter que le vil intérêt ; l’humanité est là, ne faut-il pas assurer le chauffage du peuple ?