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Et l’on parle ensuite de l’égoïsme, de l’individualisme de notre époque !

Il n’y a rien qu’on n’ait la prétention de faire servir au bien-être et à la moralisation du peuple, rien, pas même la Douane. — Vous croyez peut-être que c’est une machine à impôts, comme l’octroi, comme le péage au bout du pont ? Point du tout. C’est une institution essentiellement civilisatrice, fraternitaire et égalitaire. Que voulez-vous ? c’est la mode. Il faut mettre ou affecter de mettre du sentiment, du sentimentalisme partout, jusque dans la guérite du qu’as-tu là ?

Mais pour réaliser ces aspirations philanthropiques, la douane, il faut l’avouer, a de singuliers procédés.

Elle met sur pied une armée de directeurs, sous-directeurs, inspecteurs, sous-inspecteurs, contrôleurs, vérificateurs, receveurs, chefs, sous-chefs, commis, surnuméraires, aspirants-surnuméraires et aspirants à l’aspirance, sans compter le service actif, et tout cela pour arriver à exercer sur l’industrie du peuple cette action négative qui se résume par le mot empêcher.

Remarquez que je ne dis pas taxer, mais bien réellement empêcher.

Et empêcher non des actes réprouvés par les mœurs ou contraires à l’ordre public, mais des transactions innocentes et mêmes favorables, on en convient, à la paix et à l’union des peuples.

Cependant l’humanité est si flexible et si souple que, de manière ou d’autre, elle surmonte toujours les empêchements. C’est l’affaire d’un surcroît de travail.

Empêche-t-on un peuple de tirer ses aliments du dehors, il les produit au dedans. C’est plus pénible, mais il faut vivre. L’empêche-t-on de traverser la vallée, il franchit les pics. C’est plus long, mais il faut arriver.

Voilà qui est triste, mais voici qui est plaisant. Quand la