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Supposons un peuple privé de relations extérieures. — Un homme a produit du blé. Il le verse dans la circulation nationale au plus haut cours qu’il peut trouver, et il reçoit en échange… quoi ? Des écus, c’est-à-dire des mandats, des bons fractionnables à l’infini, au moyen desquels il lui sera loisible de retirer aussi de la circulation nationale, quand il le jugera à propos et jusqu’à due concurrence, les objets dont il aura besoin ou envie. En définitive, à la fin de l’opération, il aura retiré de la masse justement l’équivalent de ce qu’il y a versé, et, en valeur, sa consommation égalera exactement sa production.

Si les échanges de cette nation avec le dehors sont libres, ce n’est plus dans la circulation nationale, mais dans la circulation générale, que chacun verse ses produits et puise ses consommations. Il n’a point à se préoccuper si ce qu’il livre à cette circulation générale est acheté par un compatriote ou un étranger ; si les bons qu’il reçoit lui viennent d’un Français ou d’un Anglais ; si les objets contre lesquels il échange ensuite ces bons, à mesure de ses besoins, ont été fabriqués en deçà ou au delà du Rhin ou des Pyrénées. Toujours est-il qu’il y a, pour chaque individu, balance exacte entre ce qu’il verse et ce qu’il puise dans le grand réservoir commun ; et si cela est vrai de chaque individu, cela est vrai de la nation en masse.

La seule différence entre les deux cas, c’est que, dans le dernier, chacun est en face d’un marché plus étendu pour ses ventes et ses achats, et a, par conséquent, plus de chances de bien faire les uns et les autres.

On fait cette objection : Si tout le monde se ligue pour ne pas retirer de la circulation les produits d’un individu déterminé, il ne pourra rien retirer à son tour de la masse. Il en est de même d’un peuple.

Réponse : Si ce peuple ne peut rien retirer de la masse, il n’y versera rien non plus ; il travaillera pour lui-même.