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chose qu’à son bien-être, à payer des marins, des soldats, des diplomates, des gouverneurs de colonies, des vaisseaux de guerre, des subsides, — le désordre, le trouble et l’oppression.

Certainement, la lutte sera ardente au Parlement, et nous n’avons pas l’espoir que les free-traders emportent la place au premier assaut. Les abus, les préjugés, les droits acquis sont les maîtres dans cette citadelle. C’est même là que leurs forces sont concentrées. L’aristocratie anglaise y défendra énergiquement ses positions. Les gouvernements à l’extérieur, les hauts emplois, les grades dans l’armée et la marine, la diplomatie et l’Église, sont à ses yeux son légitime patrimoine ; elle ne le cédera pas sans combat ; et nous qui savons quelle est, dans son aveuglement, la puissance de l’orgueil national, nous ne pouvons nous empêcher de craindre que l’oligarchie britannique ne trouve de trop puissants auxiliaires dans les préjugés populaires, qu’une politique dominatrice a su faire pénétrer au cœur des travailleurs anglais eux-mêmes. Là, comme ailleurs, on leur dira que la destinée des peuples n’est pas le bien-être, qu’ils ont une mission plus noble, et qu’ils doivent repousser toute politique égoïste et matérialiste. — Et tout cela, pour les faire persévérer dans le matérialisme le plus brutal, dans l’égoïsme sous sa forme la plus abjecte : l’appel à la violence pour nuire à autrui en se nuisant à soi-même.

Mais rien ne résiste à la vérité, quand son temps est venu et que les faits, dans leur impérieux langage, la font éclater de toutes parts.

Si le peuple anglais, dans son intérêt, abolit les lois de navigation, s’il rend à ses colonies la liberté commerciale, si tout homme, à quelque nation qu’il appartienne, peut aller échanger dans l’Inde, à la Jamaïque, au Canada, au même titre qu’un Anglais, quel prétexte restera-t-il à l’aris-