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pour elle l’Église établie, la Ligue appelle à son aide toutes les Églises dissidentes. Celles-ci ne se rattachent pas au monopole par la dîme ; elles se soutiennent par des dons volontaires, c’est-à-dire par la confiance publique. Elles ont bientôt compris que l’exploitation de l’homme par l’homme, qu’on la nomme esclavage ou protection, est contraire à la charte chrétienne. Seize cents ministres dissidents répondent à l’appel de la Ligue. Sept cents d’entre eux, accourus de tous les points du royaume, se réunissent à Manchester. Ils délibèrent ; et le résultat de leur délibération est qu’ils iront prêcher, dans toute l’Angleterre, la cause de la liberté des échanges comme conforme aux lois providentielles qu’ils ont mission de promulguer.

Si l’aristocratie a pour elle la propriété foncière et les classes agricoles, la Ligue s’appuie sur la propriété des bras, des facultés et de l’intelligence. Rien n’égale le zèle avec lequel les classes manufacturières s’empressent de concourir à la grande œuvre. Les souscriptions spontanées versent au fonds de la Ligue 200,000 fr. en 1841, 600,000 en 1842, un million en 1843, 2 millions en 1844 ; et en 1845 une somme double, peut-être triple, sera consacrée à l’un des objets que l’association a en vue, l’inscription d’un grand nombre de free-traders sur les listes électorales. Parmi les faits relatifs à cette souscription, il en est un qui produisit sur les esprits une profonde sensation. La liste, ouverte à Manchester le 14 novembre 1844, présenta, à la fin de cette même journée, une recette de 16,000 livres sterling (400,000 francs). Grâce à ces abondantes ressources, la Ligue, revêtant ses doctrines des formes les plus variées et les plus lucides, les distribue parmi le peuple dans des brochures, des pamphlets, des placards, des journaux innombrables ; elle divise l’Angleterre en douze districts, dans chacun desquels elle entretient un professeur d’économie politique. Elle-même, comme une université