Page:Œuvres complètes de Frédéric Bastiat, Guillaumin, 3.djvu/340

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ments du pauvre, ont montré aussi combien d’autres institutions, combien de mesures, combien de coutumes s’éloignent des prescriptions de la justice et violent les droits nationaux, et j’ajouterai les droits naturels du peuple.

Hâtons donc le moment où, vainqueurs dans cette lutte, sans que notre drapeau ait été terni, sans que nos armes soient teintes de sang, sans que les soupirs de la veuve, de l’orphelin ou de l’affligé se mêlent à nos chants de triomphe, nous pourrons diriger sur quelque autre objet cette puissante armée qui s’est levée contre le monopole, et conduire à de nouveaux succès un peuple qui aura tout à la fois obtenu le juste salaire de son travail et fait l’épreuve de sa force morale. Nous faisons une expérience dont le monde entier profitera. Nous enseignons aux hommes de tous les pays comment on triomphe sans intrigue, sans transaction, sans crime et sans remords, sans verser le sang humain, sans enfreindre les lois de la société et encore moins les commandements de Dieu. J’ai la confiance que le jour approche où nous serons délivrés des entraves qui nous gênent, et où les autres nations, encouragées par les résultats que nous aurons obtenus, entreront dans la même voie et imiteront notre exemple. Quelle est en effet, monsieur, l’opinion qu’on a de nous en pays étranger, grâce à ces funestes lois-céréales ? Un excellent philanthrope, dont le cœur embrasse le monde, fut, aux États-Unis, chargé d’une mission de bienfaisance en faveur des malheureux nègres de ce pays, je veux parler de M. Joseph Sturge. (Bruyantes acclamations.) Il n’y avait pas trente-six heures qu’il était débarqué, qu’un heureux hasard le conduisit à l’hôtel où j’étais avec ma femme et mes enfants. Mais quelles furent les paroles dont on le salua à son arrivée à New-Nork ? « Ami, lui dit-on, retournez en Angleterre. Vous avez des lois-céréales qui affament vos compatriotes. Regardez leurs pâles figures et leurs formes exténuées, et lorsque vous aurez aboli ces lois, lorsque vous aurez affranchi l’industrie britannique, revenez et laissez éclater votre mépris pour notre système d’esclavage. » (Applaudissements.) Quel était, il y a quelques jours, le langage d’un des grands journaux de Paris[1] ? « An-

  1. Le National.