Page:Œuvres complètes de Frédéric Bastiat, Guillaumin, 3.djvu/311

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des droits acquis à l’abondance, droits fondés sur une loi antérieure à celles qui émanent du Parlement, car les produits sont répandus dans le monde, non pour l’avantage exclusif des lieux où ils naissent, mais afin que tous les hommes, par des échanges réciproques, puisent à la masse commune une juste part des bienfaits qu’il a plu à la Providence de répandre sur l’humanité. (Acclamations.) Quand nous voyons ces choses, quand nous ne pouvons nous empêcher de les voir, quand il n’est pas un négociant, un manufacturier, un fermier, un propriétaire, un ouvrier à qui elles ne sautent aux yeux, ne faut-il pas s’étonner, je le demande, de voir tout un peuple demeurer dans l’apathie à l’aspect de ses droits foulés aux pieds, à l’aspect de milliers de créatures humaines poussées par la faim dans les maisons de travail ? Ne devons-nous pas être frappés de surprise, quand nous entendons un membre du parti protectionniste dire (et pour tout l’univers je ne voudrais pas qu’on eût à me reprocher ces insolentes paroles) que, pour ceux qui n’ont pas de pain, il y a de l’avoine et des pommes de terre ? et lorsque, pour toute réponse, un ministre d’État vient nous affirmer que plusieurs millions de quarters de blé pourrissent, en ce moment, dans les greniers de l’Amérique, et qu’il considérerait leur introduction dans ce pays comme une calamité publique ? (Applaudissements.) Quoi ! les citoyens des États-Unis, les habitants de l’Ukraine et de Pultawa voient leur blé se pourrir ; et on vient nous dire que l’échange de ce blé, dont nous manquons, contre des marchandises, dont ils ont besoin, serait une calamité universelle ! mais quand ils proclament ouvertement de telles doctrines, en ont-ils bien pesé toutes les conséquences ? Ne s’aperçoivent-ils pas que pendant qu’ils croient, par des lois de fer, environner leurs propriétés d’un mur impénétrable, il est fort possible qu’ils ne fassent que susciter des ennemis à la propriété elle-même ? Qu’ils se rappellent les paroles qui ont été prononcées, non par un ligueur, non dans cette enceinte, mais par un serviteur du pouvoir : « Le peuple de ce pays reconnaît le droit de propriété. Mais si quelqu’un vient nous dire qu’il y a dans sa propriété quelque attribut particulier qui l’autorise à envahir la nôtre, que nous avons acquise par le travail de nos