Page:Œuvres complètes de Frédéric Bastiat, Guillaumin, 3.djvu/299

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nion avec d’anciens amis, qui, dirigés par les plus pures intentions, croient maintenant devoir s’opposer au triomphe de la liberté commerciale dans la question des sucres. J’ai examiné la question maturément, pendant de longues années; je me suis efforcé d’arriver à une saine et juste conclusion, et je combattrai énergiquement, sans m’écarter du respect et de l’affection que je leur ai voués, cette doctrine qu’il appartient au gouvernement de fermer au sucre produit par les esclaves l’accès de notre marché national. Nous sommes d’accord sur l’esclavage ; nous l’avons également en horreur ; nous croyons que réduire ou retenir les hommes dans l’esclavage, les forcer au travail, tout en retenant le juste salaire qui leur est dû, ce sont des crimes aux yeux de Dieu, et d’horribles empiétements sur les droits et l’égalité des hommes. Nous croyons aussi que c’est le devoir de tout homme éclairé et de tout chrétien d’élever la voix contre l’esclavage sous toutes ses formes, et d’employer tous les moyens moraux et légitimes pour avancer le jour où cessera la servitude et avec elle le trafic sur l’espèce humaine. (Écoutez ! écoutez !) Il faut donc se demander, d’abord, quels sont les droits du peuple de ce pays ; ensuite, quels sont les moyens de saper l’esclavage qu’on peut considérer comme honnêtes et légitimes, c’est-à-dire qui, tout en ayant pour fin la justice due aux hommes des autres contrées, n’interviennent pas cependant dans l’action de la liberté civile et dans les justes prérogatives de nos concitoyens. — J’admets la vérité de cette proposition : que les hommes ont droit à la liberté personnelle ; qu’ils doivent demeurer en plein exercice de leur liberté, dans le choix de leurs chefs[1], de la nature et du lieu de leurs occupations, et du marché sur lequel ils jugent à propos d’apporter ou leur travail, ou les résultats de leur travail. — Mais il est également clair à mon esprit que les hommes de ce pays et de tous les pays doivent être libres aussi (je veux dire libres par rapport à l’intervention de la loi civile) de choisir, comme consommateurs, parmi tous les produits portés des diverses régions du globe sur le marché commun. (Bruyantes acclamations.) Je ne vois pas qu’ils puissent avec justice être empêchés d’acheter les produits

  1. Employers