Page:Œuvres complètes de Frédéric Bastiat, Guillaumin, 3.djvu/215

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que sa femme porte des robes de soie, de ce que lui-même figure dans son cabriolet comme un homme « respectable, » et de ce qu’il marchande aujourd’hui la propriété qu’il bêchait autrefois ?… Et voilà sous quel vain prétexte on maintient un système qui restreint la consommation du sucre dans ce pays, à tel point que, malgré la population toujours croissante, elle est aujourd’hui ce qu’elle était il y a vingt ans, au détriment des jouissances et du bien-être des classes pauvres ! Non, non, à travers toutes ces exceptions, règne un même esprit, un même principe. Déchirez le masque, et vous trouverez derrière la hideuse et dégoûtante figure du monopole. — Monopole de la navigation, monopole du blé, monopole du sucre, les voilà, se couvrant du manteau de la défense nationale, du revenu public, de l’humanité, mais au fond ne signifiant qu’une seule et même chose, la spoliation de la multitude laborieuse par le petit nombre. Et c’est pour maintenir un tel système qu’on nous invite à sacrifier nos principes, comme M. Baring méprise les siens. C’est pour maintenir ces anomalies, ces absurdités, cette oppression et ces abus que nous abandonnerions l’homme qui veut mettre de l’accord entre ses opinions et ses actes, pour nommer celui qui déclare publiquement que sa conduite politique ne sera qu’une perpétuelle exception, bien plus, une flagrante violation des principes que lui-même reconnaît fondés sur la justice et la vérité ? Gentlemen, je ne suis pas un de ces hommes qui ont leurs foyers dans le Lancastre, ce qui, dans certains lieux, semble être une fâcheuse recommandation. Mais j’aimerais mieux être du Lancastre et avoir fait à mes compatriotes de Londres ce noble appel que leur adressent les citoyens de Liverpool, que d’être de Londres, et d’émettre, au mépris de cet appel, un vote favorable au monopole et funeste à mes frères. Eh ! qu’importe d’où viennent ceux qui vous adjurent de nommer M. Pattison ? J’augurerais mal de Londres, si je pouvais croire qu’on y sera arrêté par cette frivole objection. Londres s’est-il tellement rétréci et rapetissé qu’il n’y ait pas place, qu’il n’y ait pas droit de bourgeoisie pour quiconque porte un cœur dévoué et travaille avec ardeur au triomphe de la justice ? La patrie de ces hommes du Lancastre est partout où prévaut l’amour