Page:Œuvres complètes de Frédéric Bastiat, Guillaumin, 3.djvu/152

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Unis, et cela pour ouvrir dans l’avenir des débouchés à notre industrie. C’est là une inconséquence manifeste. Quant à ceux qui soutiennent à la fois et les principes de la Ligue et le projet de colonisation, n’ont-ils pas à craindre de s’être laissé entraîner à appuyer une mesure que le monopole considère certainement comme une porte de secours, comme une diversion de ce grand mouvement que la Ligue a excité dans le pays ? (Écoutez !) Je ne veux pas contester les avantages de la colonisation ; mais il me semble qu’il faut savoir, avant tout, si l’ouvrier veut ou ne veut pas vivre sur sa terre natale. (Approbation.) Je sais bien que les personnes auxquelles je m’adresse n’entendent pas appuyer l’émigration forcée ; je suis loin de leur imputer une telle pensée. Mais il y a deux manières de forcer les hommes à l’exil. (Écoutez ! écoutez !) La première, c’est de les prendre pour ainsi dire corps à corps, de les jeter sur un navire, et de là sur une plage lointaine ; la seconde, c’est de leur rendre la patrie si inhospitalière qu’ils ne puissent pas y vivre (acclamation), et je crains bien que l’effet des lois restrictives ne soit de pousser à l’expatriation des hommes qui eussent préféré le foyer domestique. (Applaudissements.) Messieurs, j’ai abusé de votre patience. (Non, non, parlez, parlez.) On vous dira que les autres nations sont, comme celle-ci, chargées d’entraves et de droits protecteurs ; cela n’affaiblit en rien mon argumentation. Nous devons un exemple au monde. C’est à nous, par notre foi en nos principes, à déterminer les autres peuples à se débarrasser des liens dont les gouvernements les ont chargés. Notre exemple sera-t-il suivi ? C’est ce que nous ne saurions prédire. Notre but est le bien général, notre moyen un grand acte de justice. C’est ainsi que déjà nous avons émancipé les esclaves ; et puisque les lois-céréales sont aussi l’esclavage sous une autre forme, je ne puis mieux terminer que par ces paroles de Sterne, car il n’y en a pas de plus vraies : « Déguise-toi comme il te plaira, esclavage, ta coupe est toujours amère, et elle n’a pas cessé de l’être parce que des milliers d’êtres humains y ont trempé leurs lèvres. » (L’orateur s’assoit au bruit d’applaudissements prolongés.)


Le président, en introduisant M. Bright, dit que quoi-