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ministre plénipotentiaire de l’Union américaine, fut appelé à prendre la parole, et dit en substance : « Mon pays désire échanger ses produits contre les vôtres. Vous avez beaucoup d’objets qui lui manquent, et il a pour vous payer des marchandises qui encombrent ses quais, jusqu’à ce point qu’on a été a obligé de se servir de salaisons comme de combustibles. » (Et en effet un citoyen des États-Unis m’a confirmé qu’il y avait sur les quais de la Nouvelle-Orléans des amas de salaisons qu’on pourrait vendre à 6 deniers la livre, et qu’on employait en guise de charbon, à bord des bateaux à vapeur.) « Nous avons, ajoutait M. Everett, du blé qui pourrit dans nos magasins, et nous manquons de vêtements et d’instruments de travail. » Qui s’oppose à l’échange de ces choses ? Le gouvernement britannique : ce que nous réclamons, c’est cette liberté d’échanges avec le monde entier. Chaque climat, chaque peuple a ses productions spéciales. Que toutes puissent librement arriver dans ce pays, pour s’y échanger contre ce qu’il produit en surabondance, et tout le monde y gagnera. Le manufacturier étendra ses entreprises ; les salaires hausseront ; la consommation des produits agricoles s’accroîtra ; la propriété foncière et le revenu public sentiront le contre-coup de la prospérité générale. Mais avec notre législation restrictive, les usines sont de moins en moins occupées, les salaires de plus en plus déprimés, les productions du sol de plus en plus délaissées, et le mal s’étend à toutes les classes. Que ceux donc qui ont à cœur le bien-être de la patrie consacrent à ces graves sujets leurs plus sérieuses méditations. N’est-il pas vrai que le pays décline visiblement, et ne donneriez-vous pas à cette assertion votre témoignage unanime ?…

On a dit que la loi-céréale était nécessaire pour soutenir les fermiers ; mais voilà la quatrième fois que les fermiers sont dupes de cette assertion. Le prix de leurs produits s’avilit et ne se relèvera pas tant que le travail manquera au peuple. Les propriétaires leur disent : « Si vous ne pouvez payer la rente, prenez patience, la dépréciation ne sera pas permanente ; le cours de vos denrées se relèvera, comme il fit après les crises de 1836 et 1837. » Mais comment pourrait-on assimiler la détresse actuelle