Page:Œuvres complètes de Frédéric Bastiat, Guillaumin, 3.djvu/133

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

accompagner à l’époque à laquelle je fais allusion. Il y a quelque quatorze ans que je fis une motion devant une assemblée composée de six cent cinquante-huit gentlemen. (Rires. Écoutez, écoutez !) qui n’étaient pas des hommes ignorants et illettrés, mais connaissant, ou du moins censés connaître leurs devoirs envers eux-mêmes et envers le pays. Je proposai à ces six cent cinquante-huit gentlemen de retoucher la loi-céréale, de telle sorte que l’échelle mobile fût graduellement transformée en droit fixe, et que le droit fixe fît place en définitive à la liberté absolue. (Applaudissements.) Mais sur ces six cent cinquante-huit gentlemen, quatorze seulement me soutinrent. (Écoutez, écoutez.) Chaque année, depuis lors, des efforts sont tentés par quelques-uns de mes collègues, et il est consolant d’observer que chaque année aussi notre grande cause gagne du terrain. Je suis fâché de voir que les landlords, et ceux qui vivent sous leur dépendance, persistent à ne considérer la question que par le côté qui les touche. Plusieurs d’entre eux font partie de la législature, et, se plaçant à leur point de vue personnel, ils ont fait des lois dont le but avoué est de favoriser leurs intérêts privés sans égard à l’intérêt public. C’est là une violation des grands principes de notre constitution, qui veut que les lois embrassent les intérêts de toutes les classes. (Approbation.) Malheureusement la chambre des communes ne représente pas les opinions de toutes les classes. (Approbation.) Elle ne représente que les opinions d’une certaine classe, celle des législateurs eux-mêmes, qui ont fait tourner la puissance législative à leur propre avantage, au détriment du reste de la communauté. (Applaudissements.) Je voudrais demander à ces hommes, qui sont riches et possèdent plus que tous autres les moyens de se protéger eux-mêmes, comment ils peuvent, sans que leur conscience soit troublée, trouver sur leur chevet un paisible sommeil après avoir fait des lois, tellement injustes et oppressives, qu’elles vont jusqu’à priver de moyens d’existence plusieurs millions de leurs frères. (Applaudissements.) C’est sur ce principe que j’ai toujours plaidé la question, et voici la seule réponse que j’aie pu obtenir : « Si nous croyions mal agir, nous n’agirions pas ainsi.» (Rires.) Vous riez, Messieurs, et cependant je puis