Page:Œuvres complètes de Frédéric Bastiat, Guillaumin, 2.djvu/70

Cette page a été validée par deux contributeurs.

11. — À QUOI SE RÉDUIT L’INVASION.


27 Décembre 1846.


Si nous avons une foi entière dans le triomphe de notre cause, malgré la formidable opposition qu’elle rencontre, c’est que nous nous attendons à voir les faits venir l’un après l’autre déposer en sa faveur.

Au moment où nous écrivons, les ports de France sont ouverts aux céréales du monde entier.

Excepté Bayonne, où le jeu de l’échelle mobile amène des résultats fort bizarres. — Le froment y manque et est à 28 fr. Le maïs y abonde et ne vaut que 11 fr. Tout naturellement les Bayonnais voudraient échanger du maïs contre du froment. Mais l’opération est doublement contrariée et voici comme. — Je voudrais faire sortir du maïs, dit le Bayonnais. — Payez l’amende, répond le douanier. — Et le motif ? — Le motif, c’est que le froment vaut 28 fr. sur le marché. L’ami, vous choisissez mal votre temps pour exporter des aliments. — Oh ! que l’État soit sans crainte, je n’ai pas envie de mourir de faim. Aussi, en retour du maïs, veux-je faire entrer du froment. — Vous payerez encore l’amende, dit le douanier. — Et la raison ? — La raison, c’est que le froment n’est, ou n’était, il y a deux mois, qu’à 22 fr… à Toulouse. Vous connaissez nos moyennes. Quand Toulouse a mangé, Bayonne doit être rassasié. — Mais, monsieur le douanier, il y a soixante lieues de mauvaises routes d’ici à Toulouse. — Faites venir le froment par la Garonne et Bordeaux. — Mais, monsieur le douanier, vous conviendrez que ce froment de Toulouse reviendra moins cher arrivé à Bordeaux que parvenu à Bayonne. — Cela va sans dire. — Comment donc se fait-il que Bordeaux puisse recevoir du froment étranger, et non pas Bayonne ? — On voit bien que vous ne comprenez rien à nos belles combi-