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nant. — Il embrasse ainsi involontairement le principe de la liberté, le seul principe vrai et raisonnable, et il ouvre les portes.

Le tarif trompe donc l’agriculteur. Il lui assure le prix de revient quand ce prix est assuré par la nature des choses, et ne s’en mêle plus quand son intervention serait efficace.

Mais ce n’est pas tout. — Une législation basée sur un principe faux s’arrête toujours avant les dernières conséquences, parce que les dernières conséquences d’un faux principe sont elles-mêmes d’une absurdité qui saute aux yeux. Aussi voyons-nous qu’il est de nombreux produits auxquels on n’accorde la protection qu’en tremblant ; ce sont ceux dont l’utilité, pour le consommateur, est tellement palpable, qu’à leur égard le vrai principe se fait jour malgré qu’on en ait. Pour tâcher de réconcilier ici les principes, on a fait de ces produits une classe qu’on appelle matières premières ; et puis on a dit que la protection sur ces produits avait de grands dangers[1]. Or, qu’est-ce que cela veut dire ? Cela veut dire : L’utilité de ces choses, relativement au consommateur, est telle qu’ici du moins nous sommes forcés, sinon de rendre hommage explicitement à la vérité des principes, du moins d’agir comme si nous les reconnaissions, sauf à mettre nos doctrines à l’abri, en entassant subtilités sur subtilités.

Mais si les agriculteurs voulaient y voir un peu plus loin que le bout de leur nez, ils sauraient à quoi cela mène. Car une chose est bien claire : c’est que le régime restrictif, après leur avoir donné, quant aux céréales, une protection inefficace et illusoire, abandonnera aussi en première ligne, grâce à la fameuse théorie des matières premières, la laine, le lin, le chanvre et tous les produits agricoles.

  1. V. au tome IV, le chap. xxi, page 105. (Note de l’éditeur.)