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Ce raisonnement fera un très-bon effet.

Il est un autre mode d’argumentation que vous pourrez employer avec beaucoup de succès.

Observez ce qui se passe sur la surface du globe, et s’il y survient un accident fâcheux quelconque, dites : Voilà ce que fait la liberté.

Si donc Madrid est incendié, et si, pour le reconstruire à moins de frais, on laisse entrer du bois et du fer étrangers, attribuez l’incendie, ou du moins tous les effets de l’incendie, à cette liberté.

Un peuple a labouré, fumé, hersé, semé et sarclé tout son territoire. Au moment de récolter, sa moisson est emportée par un fléau ; ce peuple est placé dans l’alternative ou de mourir de faim, ou de faire venir des subsistances du dehors. S’il prend ce dernier parti, et il le prendra certainement, il y aura un grand dérangement dans ses affaires ordinaires ; cela est infaillible : il éprouvera une crise industrielle et financière. Dissimulez avec soin que cela vaut mieux, après tout, que de mourir d’inanition, et dites : « Si ce peuple n’avait pas eu la liberté de faire venir des subsistances du dehors, il n’aurait pas subi une crise industrielle et financière. » (V. les nos 21 et 30.)

Nous pouvons vous assurer, par expérience, que ce raisonnement vous fera grand honneur.

Quelquefois on invoquera les principes. Moquez-vous des principes, ridiculisez les principes, bafouez les principes. Cela fait très-bien auprès d’une nation sceptique.

Vous passerez pour un homme pratique, et vous inspirerez une grande confiance.

D’ailleurs vous induirez ainsi la législature à mettre, dans chaque cas particulier, toutes les vérités en question, ce qui nous fera gagner du temps. Songez où en serait l’astronomie, si ce théorème : Les trois angles d’un triangle sont égaux à deux angles droits, n’était pas admis, après dé-