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L’ouvrier. Est-ce que ces chiffres sont exacts ?

— Je ne les donne pas pour tels ; je veux seulement vous faire comprendre que, si sur un tout plus petit, les protégés prennent une part plus grande, les non-protégés portent tout le poids non-seulement de la diminution totale, mais encore de l’excédant que les protégés s’attribuent.

L’ouvrier. S’il en est ainsi, ne doit-il pas arriver que la détresse des non-protégés rejaillisse sur les protégés ?

— Je le crois. Je suis convaincu qu’à la longue la perte tend à se répartir sur tout le monde. J’ai essayé de le faire comprendre aux protégés, mais je n’ai pas réussi.

Un autre ouvrier. Quoique la protection ne nous soit pas accordée directement, on assure qu’elle nous arrive par ricochet.

— Alors il faut renverser tout notre raisonnement en partant toujours de ce point fixe et avoué, que la restriction amoindrit le total de la richesse nationale. Si, néanmoins, votre part est plus grande, celle des protégés est doublement ébréchée. En ce cas, pourquoi réclamez-vous le droit de suffrage ? Assurément, vous devez laisser à des hommes si désintéressés le soin de faire les lois.

Un autre ouvrier. Êtes-vous démocrate ?

— Je suis de la démocratie, si vous entendez par ce mot : À chacun la propriété de son travail, liberté pour tous, égalité pour tous, justice pour tous, et paix entre tous.

— Comment se fait-il que les meneurs du parti démocratique soient contre vous ?

— Je n’en sais rien.

— Oh ! ils vous habillent de la belle façon !

— Et que peuvent-ils dire ?

— Ils disent que vous êtes des docteurs ; ils disent en outre que vous avez raison en principe.

— Qu’entendent-ils par là ?

— Ils entendent tout simplement que vous avez raison ;