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— Je me plais à le croire. La Chambre de double vote était peuplée de gros propriétaires, qui n’avaient pas la cataracte à l’endroit de leurs intérêts.

— En tous cas, vous conviendrez que, dans l’ensemble de ces mesures restrictives, tout n’est pas profit pour vous, et que votre part de gain illicite est fort ébréchée par le gain illicite de ceux qui vous vendent le fer, les charrues, le drap, le sucre, etc.

— Cela va sans dire.

— En outre, je vous prie de peser attentivement cette considération : Si la France a été moins riche, comme le constate mon calepin…

— Indiscret calepin !

— Si, dis-je, la France a été moins riche, elle a dû moins manger. Beaucoup d’hommes qui se seraient nourris de blé et de viande ont été réduits à vivre de pommes de terre et de châtaignes. N’est-il pas possible que ce décroissement de consommation et de demande ait affecté le prix du blé dans le sens de la baisse, pendant que vos lois cherchaient à l’affecter dans le sens de la hausse ? Et cette circonstance venant s’ajouter au tribut que vous payez aux maîtres de forge, aux actionnaires de mines, aux fabricants de drap, etc., ne tourne-t-elle pas, en définitive, contre vous le résultat de l’opération ?

— Monsieur, vous me faites subir un interrogatoire fort indiscret. Je jouis de la protection, cela me suffit ; et vos subtilités et vos généralités ne m’en feront pas démordre.

L’oreille basse, j’enfourchai ma monture et me rendis chez le fabricant de drap.

— Monsieur, lui dis-je, que penseriez-vous de l’architecte qui, pour exhausser une colonne, prendrait à la base de quoi ajouter au sommet ?

— Je demanderais pour lui une place à Bicêtre.